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cent fois par an vos actions publiques par vos paroles publiques, vos paroles par vos actions, vos actions l'une par l'autre, et l'une par l'autre vos paroles, comme tous les hommes politiques ; alors faites comme tant d'autres bien à plaindre, désertez le ciel d'Homère, il vous restera encore plus qu'il ne faudra pour la politique et l'action, à vous qui descendrez d'en haut. Mais jusque-là, laissez aller d'un vol libre et solitaire l'Imagination qui peut être en vous. - Les oeuvres immortelles sont faites pour duper la Mort en faisant survivre nos idées à notre corps. - Ecrivez-en de telles si vous pouvez, et soyez sûr que s'il s'y rencontre une idée ou seulement une parole utile au progrès civilisateur, que vous ayez laissé tomber comme une plume de votre aile, il se trouvera assez d'hommes pour la ramasser, l'exploiter, la mettre en oeuvre jusqu'à satiété. Laissez-les faire. L'application des idées aux choses n'est qu'une perte de temps pour les créateurs de pensées." Stello, debout encore, regarda le Docteur Noir avec recueillement, sourit enfin, et tendit la main à son sévère ami. "Je me rends, dit-il, écrivez votre ordonnance." Le Docteur prit du papier. "Il est bien rare, dit-il tout en griffonnant, que le sens commun donne une ordonnance qui soit suivie. - Je suivrai la vôtre comme une loi immuable et éternelle", dit Stello, non sans étouffer un soupir ; et il s'assit, laissant tomber sa tête sur sa poitrine avec un sentiment de profond désespoir et la conviction d'un vide nouveau rencontré sous ses pas ; mais en écoutant l'ordonnance, il lui sembla qu'un brouillard épais s'était dissipé devant ses yeux, et que l'étoile infaillible lui montrait le seul chemin qu'il eût à suivre. Voici ce que le Docteur Noir écrivait, motivant chaque point de son ordonnance, usage fort louable et assez rare. XXXIX. Un mensonge social 135 Les consultations du docteur Noir ; Stello : première consultation ; Daphné : seconde consultation du docteur Noir XL. Ordonnance du Docteur Noir SEPARER LA VIE POETIQUE DE LA VIE POLITIQUE. Et pour y parvenir : I. - Laisser à César ce qui appartient à César, c'est-à-dire le droit d'être, à chaque heure de chaque jour, honni dans la rue, trompé dans le palais ; combattu sourdement, miné longuement, battu promptement et chassé violemment. Parce que l'attaquer ou le flatter avec la triple puissance des arts, ce serait avilir son oeuvre et l'empreindre de ce qu'il y a de fragile et de passager dans les événements du jour. Il convient de laisser cette tâche à la critique du matin, qui est morte le soir, ou à celle du soir, qui est morte le matin. - Laisser à tous les Césars la place publique, et les laisser jouer leur rôle, et passer, tant qu'ils ne troubleront ni les travaux de vos nuits ni le repos de vos jours. - Plaignez-les de toute votre pitié s'ils ont été forcés de se mettre au front cette couronne Césarienne, qui n'a plus de feuilles et déchire la tête. Plaignez-les encore s'ils l'ont désirée ; leur réveil en est plus cruel après un long et beau rêve. Plaignez-les s'ils sont pervertis par le Pouvoir ; car il n'est rien que ne puisse fausser cette antique et peut-être nécessaire Fausseté, d'où viennent tant de maux. - Regardez cette lumière s'éteindre, et veillez ; heureux si vos veilles peuvent aider l'humanité à se grouper et s'unir autour d'une clarté plus pure ! II. - SEUL ET LIBRE, ACCOMPLIR SA MISSION. Suivre les conditions de son être, dégagé de l'influence des Associations, même les plus belles. Parce que la Solitude seule est la source des inspirations. LA SOLITUDE EST SAINTE. Toutes les Associations ont tous les défauts des couvents. Elles tendent à classer et diriger les intelligences, et fondent peu à peu une autorité tyrannique qui, ôtant aux intelligences la liberté et l'individualité, sans lesquelles elles ne sont rien, étoufferait le génie même sous l'empire d'une communauté jalouse. Dans les Assemblées, les Corps, les Compagnies, les Ecoles, les Académies et tout ce qui leur ressemble, les médiocrités intrigantes arrivent par degrés à la domination par leur activité grossière et matérielle, et cette sorte d'adresse à laquelle ne peuvent descendre les esprits vastes et généreux. L'Imagination ne vit que d'émotions spontanées et particulières à l'organisation et aux penchants de chacun. La République des lettres est la seule qui puisse jamais être composée de citoyens vraiment libres, car elle est formée de penseurs isolés, séparés et souvent inconnus les uns aux autres.
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